MAROC HAUT-ATLAS

 

Les berbères du village du Haut Atlas photographiés par Stéphane Cuisset ont donné quelque chose d’eux-mêmes à la pellicule et au photographe. Le photographe, lui, leur a donné du temps et du respect. Cet échange est inscrit dans ces photos, dans ces regards droits et francs d’individus qui acceptent de se montrer dans leur simplicité, dans leur dénuement. Qui disent, en confiance à celui qui les « prend » sans les capturer, qui déclenche sans les blesser : « nous sommes là, en face de toi, et nous sommes comme ça ».

C’est en hiver, quand les villageois de Sremt en ont fini avec les travaux des champs, que Stéphane Cuisset a passé du temps avec eux. Ce morceau de Maroc n’est pas conforme aux clichés habituels du pays – de la neige, pensez ! -, mais ce travail s’inscrit parfaitement dans la démarche documentaire du photographe : explorer le champ social et les territoires humains, donner à voir ce qui n’est pas directement visible. Il donne ici à voir un autre espace-temps : un lieu inaccessible en voiture durant l’hiver, un village où le temps est suspendu. Mais il montre aussi de façon éclatante que dénuement et pauvreté ne se confondent pas, qu’on peut être mal fagotée et avoir un sourire lumineux, qu’on peut allaiter son enfant sur un tabouret inconfortable avec noblesse. Que ces gens qui font la cuisine à même le sol ne sont pas de « pauvres gens », mais un morceau, un vrai, d’humanité.

Odile Conseil
Rédactrice en chef adjointe de Courrier international